Les précaires dans la culture : quand la flexibilité devient précarité !

Le plus grand festival de cinéma du monde s’ouvre cette année dans un contexte social marqué par 2 mois de mobilisation contre une réforme des retraites passée en force par le gouvernement. Cette réforme n’est que la suite logique d’une politique de libéralisation du travail et de précarisation des salarié·e·s déjà fragilisé·e·s par la récente réforme de l’assurance chômage. Cette précarité, nous, travailleur·euse·s des festivals de cinéma, la connaissons bien.

Nous, responsables des accréditations, de la coordination générale, de la billetterie, de l’accueil des équipes, attaché·e·s de presse, régisseur·euse·s, projectionnistes, sous-titreur·euse·s, programmateur·trice·s, etc., alternons depuis des années CDD d’usage, contrats de vacation, auto-entreprenariat, missions d’indépendant·es, droits d’auteur·trice·s et périodes de chômage. Ces contrats ne garantissent aucune sécurité de l’emploi, et malgré leur nature intermittente, ne donnent pas droit au régime de l’intermittence. Sans ces contrats temporaires eux-mêmes renforcés par de nombreux stagiaires, services civiques et bénévoles, l’existence même des festivals de cinéma serait menacée.

Si beaucoup d’entre nous ont rejoint le secteur par passion, nous sommes avant tout des professionnel·le·s compétent·e·s, immédiatement opérationnel·le·s et géographiquement mobiles. Au vu du nombre d’heures de travail effectuées dans un temps imparti très limité, c’est aussi notre endurance qui fait notre spécificité. Les nombreuses heures supplémentaires effectuées, en contrat ou hors contrat, considérées comme inhérentes à la profession, ne sont généralement ni payées, ni récupérées. Pourtant, ni ces conditions de travail, ni l’expérience que nous avons acquise au fil des festivals n’ont d’impact sur nos salaires.

L’ancien système d’indemnisation chômage assurait déjà à la plupart d’entre nous des conditions de vie précaires entre chaque festival. Avec la réforme de l’assurance chômage et le nouveau mode de calcul, les allocations ont baissé de manière drastique et ne nous permettent plus de maintenir un niveau de vie suffisant entre deux missions. Cela met en lumière l’absence de statut adéquat pour les travailleur·se·s des festivals de cinéma. Nous exigeons un système de protection qui tienne compte de la spécificité de nos métiers.

Nous demandons également que les pouvoirs publics, qui s’enorgueillissent de la politique culturelle à la française et prônent son rayonnement international reconnaissent l’importance de nos missions et soutiennent davantage les structures qui nous embauchent — la décision de la région Auvergne-Rhône-Alpes de réduire de plus de cinquante pour cent  la subvention  au Festival du court métrage de Clermont Ferrand n’est donc pas pour nous rassurer.

Nous demandons enfin que nos employeurs, avec l’appui financier de l’État, s’engagent à mener une politique de ressources humaines respectueuse et arbitrent leurs budgets en conséquence : les salaires ne doivent pas être la variable d’ajustement !

L’équilibre d’ores et déjà fragile qui existe entre nous, travailleurs·se·s précaires, employeurs et État, afin de subsister de mission en mission semble aujourd’hui mis à mal et la politique culturelle en danger.

Composé de travailleur.se.s* de : l’Arras Film Festival, Best of doc, Cannes Classics, de Canneseries Festival International des Séries de Cannes, Champs-Elysées Film Festival, Cinéma du réel, Cinemed, Festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier, Côté Court – Pantin,  Court Métrange – Festival International de Rennes, En temps réel – Festival de nouvelles formes documentaires, Festival Biarritz Amérique Latine, Festival de Cannes, Festival de TV de Luchon, Festival de la Fiction – La Rochelle, Festival de cinéma Travelling – Rennes, Festival de films documentaire, Images de justice – Comptoir du Doc, Festival des 3 Continents – Nantes, Festival des cinémas différents et expérimentaux de Paris, Festival du cinéma de Brive – Rencontres internationales du Moyen Métrage, Festival du Film de Cabourg, Festival du Film de Sarlat, Festival du film francophone d’Angoulême, Festival Européen du Film Court de Brest, Festival Filmer le travail – Poitiers, Festival Lumière – Lyon, FIDMarseille, Festival International de cinéma War on Screen – Châlons-en-Champagne, FIFF – Festival International de Films de Femmes de Créteil, Festival international du film de Belfort Entrevues, FIFIB – Festival International du Film Indépendant de Bordeaux, Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand, Festival International du Film d’Amiens – FIFAM, Festival international du film d’animation d’Annecy, Festival international du film de la Roche-sur-Yon, Festival La Rochelle Cinéma – FEMA, Marché du Film – Festival de Cannes, Festival international du film de Marrakech, FIPADOC, Festival Les Filmeurs – Conteville, FNCME – Festival National du Court-Métrage Étudiant, Festival Premiers Plans , d’Angers, Festival Silhouette de Paris, L’ACID – Cannes, La Fête du court métrage – Paris, Les Arcs Film Festival, Les Docs de Noirmoutier, Les Écrans documentaires – Arcueil, Les États généraux du Film Documentaire à Lussas, Journées cinématographiques – Saint-Denis, Les Utopiales, Festival international de Science-Fiction – Nantes, Paris Courts Devant, Poitiers Film Festival, Quinzaine des cinéastes, Semaine de la Critique du Festival de Cannes, Séries Mania – Lille, Valence scénario – Festival international des scénaristes et compositeurs

Il est urgent de défendre nos droits et de trouver un nouveau modèle.

Collectif des précaires des festivals de cinéma

* Fabien Hagège, Catherine Giraud, Jean-Charles Canu, Claire-Emmanuelle Blot, Julia Pocard, Camille Chevalier, Lola Rodrigues,  Margaux Berthelot, Lucie Detrain, Violette Boucheton, Suzanne de Lacotte, Thomas Choury, Laurence Reymond, Mathilde Carteau, Mélanie Orazi, Vincent Fléchard, Jumaï Laguna, Joffrey Speno, Léo Guthmann, Cécile Cadoux, Anna Tarassachvili, Pierre-Alexis Chevit, Lucile Chamblay, Kenza Manach, Lauren Grall, Victor Bournerias, Léa Leboucq, Louise Rinaldi, Lilllou de Lestapis, Jean-Manuel Fernandez, Solène Moreau, Cécile Herreman, Sylvain Bich, Margaux Berthelot, Juan Manuel Fernandez, Flora Van Der Gucht, Olivia Cooper-Hadjian, Johanna Caraire, Pauline Reiffers, Pierre Guidez, Enora De Varine, Mathias Mary, Giulio Casadei, Marie-France Aubert, Vincent Poli, Farida Lahsen, Alexandre Levaray, Emilie Vincre, Louise Jeangirard, Charlotte Forbras, Valentine Desplanques, Solenn Durmord, Clémence Arrivé, Lucas Taillefer, Louise Ferron, Julie Lavigne, Axelle Jean, Chloé Vurpillot, Franck Aubin, Christophe Raclet, Charles Herby-Funfschilling, Jessica Macor, Nadia Meflah, Stefano Miraglia, Mathilde Guitton-Marcon, Vassilissa Proust, Yann Ballanger, Julia Wolnowicz, Lucille Asloun, Chloé Cavillier, Mathilde Guitton-Marcon